[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Une adaptation de plus dont Hitchcock ne voulait pas. Il dit ici et là que le film n'a rien d'intéressant, qu'il n'en a rien à dire, comme le démontre Charles Barr cela n'empêche pas une mise en scène soignée. Cette rivalité entre une famille menée tambour battant par le père industriel et une autre composée d'aristocrates sur fond de révolution industrielle naissante n'est pas sans rappeler
The Magnificent Ambersons, que Welles tournera vingt années plus tard. Signalons toutefois que le roman de Booth Tarkington est édité en 1918, la pièce de John Galsworthy est jouée en 1920. Ces précisions faites il faut saluer le casting de ce film. Chaque personnage est bien distribué, y compris les seconds rôles, ce n'est pas toujours le cas. Hitch a d'ailleurs particulièrement travaillé la direction d'acteurs, d'aucuns l'expliquent par une façon de se motiver pour un sujet qui le laissait froid, je préfère croire que le timing précis de certains plans, tel que le souligne Barr, rendait cette méthode plus nécessaire.
Quelques plans se détachent de l'ensemble, ceux qui laissent l'action hors-champ pour ne révéler aux spectateurs que ce que le réalisateur veut leur montrer, je pense à la visite de Hornblower aux Jackman au début du film où l'on entend l'industriel essayant de les persuader mais c'est son chauffeur patientant près de la voiture qui est à l'écran. Ou Jill jouant à la balle avec son chien (champ) et Rolf (hors-champ) tentant vainement de rétablir le contact. Plus classiquement Chloé impressionne la pellicule alors que les Hillchrist, père et fille, discutent à son propos. Ces subterfuges permettent de réhausser l'intérêt de la scène, ce dont le film avait besoin pour quitter les sentiers du théâtre filmé.
Mon plan préféré est très bref, il se déroule lors de la confrontation entre Hornblower et Mrs. Hillcrist. Cette dernière veut lui révéler le passé sulfureux de sa belle-fille, vient alors son ancien employé mais cela ne suffit pas à perturber cette dernière. C'est alors qu'en un plan bref surgit d'une pièce voisine un homme qui réussit à faire passer la demoiselle dans le camp voulu par Mrs. Hillchrist. L'homme est visible à peine plus d'une seconde mais l'air qu'il prend, sa démarche assurée ne cessent de me stupéfier.
Un autre grand moment mais qui tient plus au dialogue et moins au découpage est la transaction suite au chantage, les deux camps prêtant serment, qui sur un document signé, qui sur la bible...
La scène où Chloé se suicide en se noyant dans le bassin a fait l'objet d'une dizaine de prises, Hitchcock s'amusait peut-être à voir la robe de l'actrice épousait plus parfaitement son corps. Ou bien n'était-il pas satisfait de la profondeur de champ qui devait montrer aux spectateur le sauvetage et la lutte des paternels en arrière-plan. Toujours est-il que l'issue de ce suicide est occultée alors qu'à la fin de la pièce Chloé vit encore, Jill soulignant qu'elle se met à parler...
Une pensée pour Claude Chabrol. Je venais, pour préparer cette bafouille, de regarder un documentaire où il intervenait à propos des films anglais d'Hitchcock. Il était avec Rohmer l'un des premiers à écrire sérieusement (parfois trop) sur lui. C'est en allumant mon mac pour écrire ce texte que j'apprends la nouvelle. Il est certainement parti l'oeil pétillant et le rire aux lèvres...