[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Les premiers films d’Hitchcock étaient muets, ce qui constitue inévitablement une période à part dans la carrière du cinéaste. C’est en faisant des films muets, qu’Hitchcock a commencé de réfléchir son cinéma.
Meurtre n’est que son second film parlant, le troisième si l’on considère aussi
Chantage qui fut sonorisé un temps après la première version, mais cette influence du muet reste pregnante dès le premier plan. Par son seul travelling introductif, Hitchcock réussit à se passer de dialogues sans pour autant échouer à offrir les clés de l’intrigue au spectateur. En quelques secondes et une économie de parole, le
pitch est mis sur la table.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Avec
Meurtre, Hitchcock s’impose comme le cinéaste malin et innovant qu’il sera toujours. Ce talent là était déjà aperçu dans un film comme
The Lodger, mais Hitchcock s’affirme là davantage, profitant des progrès techniques du cinéma – en l’occurence la possibilité nouvelle de sonoriser une oeuvre – pour expérimenter quelques idées.
Murder est tout à la fois un film très bavard mais qui fait preuve aussi tout au long du film d’un soucis évident d’économie des mots. Voila un curieux paradoxe. Simplement, Hitchcock n’oublie pas que pour raconter son histoire, son stylo n’est rien d’autre que la caméra. Le cinéma est un art visuel et il n’est pas question de perdre ce principe de vue au prétexte que soudain les acteurs peuvent prononcer les mots.
Murder est donc un film avant tout visuel, ou Alfred Hitchcock cherche perpétuellement à injecter du sens dans ses choix de mise en scène, ses placements et mouvements de caméra. Un exemple avec cette scène au début du film, pour le moins évocatrice des délibérations du jury du procès de la meurtrière présumée, filmée de manière subjective, la caméra se substituant au 12e jurée, lequel n’apparait qu’a la fin de la séquence pour faire valoir sa contre-opinion.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Meurtre est adapaté d’une pièce de théâtre dont Hitchcock respecte le déroulement. L’histoire s’apparente à un classique
whodunit, la quête du coupable allant de paire avec celle de l’innocence de l’accusée. Hitchcock l’aura fait savoir au cours de sa carrière, n’aimait pas vraiment l’idée d’un
whodunit. Le schéma narratif induit selon lui un rythme plan-plan, une routine de l’enquête et des interrogatoires, jusqu’à la révélation finale. Avec
Meurtre, Hitchcock se laisse quand même aller à ce procédé là mais s’il le fait c’est sans doute parce qu’il est conscient de la richesse de son récit. L’affaire qui agite les personnage concerne des gens de théâtre et le meurtre à justement eu lieu près d’un lieu de scène.
Le film précédent d’Hitchcock,
Juno et le Paon, peut se caractériser comme du théâtre filmé. Là, Hitchcock va plus loin, il confronte les deux univers et permet à son récit de se déployer de manière assez complexe, usant des artifices de la scène théâtrale pour opérer à un mouvement constant entre la vérité des fait et les apparences telles quelles sont. Le théâtre va aussi permettre de débloquer l’intrigue, de révéler l’identité du coupable. Sir John, l’homme qui cherche à innocenter la jeune prisonnière accusée à tord du meurtre, trouve la solution grâce à une référence à une scène particulière de
Hamlet. S’en suit un jeu cynique dans lequel Sir John cherche littéralement à attribuer un rôle pour sa nouvelle pièce. Il convoque celui dont il sait qu’il est le coupable pour mieux le confondre en l’obligeant à revivre son crime via la scène.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Si
Meurtre est un film important, c’est aussi pour d’autre raisons. Hitchcock se distingue des autres réalisateurs de son époque par sa capacité à innover. C’est lui qui invente le monologue intérieur, procédé aujourd’hui dès plus banal mais qui à ce moment là relève d’une élaboration complexe. Remis dans le contexte de 1930,
Meurtre fait preuve d’une modernité étonnante, également concernant la représentation audacieuse et inédite pour l’époque de l’homosexualité d’un des personnage.
Plus généralement, cette modernité n’est due qu’au génie naissant d’un cinéaste clairvoyant qui expérimente et invente afin de filmer de la manière la plus conforme possible à ses désirs de réalisation. On retrouve également en germe quelques thèmes récurrents dans son oeuvre, l’innocent accusé à tord, le meurtrier au comportement malsain/déviant, les rapports de classes etc..
Meurtre est un film qui indiscutablement marque une étape importante dans le cheminement artistique du cinéaste, et qui en même temps précède le Film Noir.
A noter aussi qu’Hitchcock tourna lui même, dans les studios de la UFA et avec un casting différent, une version allemande de son film intitulée
Mary